Adjuvants aux anesthésiques locaux

Adjuvants aux anesthésiques locaux

Adjuvants aux anesthésiques locaux 800 600 SFMP

LES 10 POINTS ESSENTIELS

1. Les principaux composants de l’analgésie neuraxiale (péridurale ou intrathécale) en obstétrique sont les anesthésiques locaux et les opiacés liposolubles.

2. Cependant, en raison d’un taux d’insuffisance d’analgésie de 7 à 20 %, le développement d’analgésiques complémentaires est important.

3. L’adrénaline par voie péridurale, bien que réduisant le pic plasmatique de l’anesthésique local et bien que produisant un effet analgésique par stimulation des récepteurs a2 est peu utile (bloc moteur et durée du travail peuvent être accrus).

4. Par voie intrathécale à des doses de 25 à 200 mg et additionnée au sufentanil et à la bupivacaïne, l’adrénaline permet d’obtenir une analgésie de 3 heures.

5. La clonidine péridurale est un médicament prometteur et la dose (injection unique) ne doit pas dépasser 75 à 100 mg.

6. Par voie intrathécale, la clonidine est également analgésique mais le risque d’hypotension artérielle est significatif.

7. La néostigmine par voie intrathécale, bien qu’agissant par un mécanisme spinal direct est peu utile car responsable d’un taux de nausées – vomissements importants.

8. La kétamine est un antagoniste des récepteurs au NMDA qui peut être utilisé par voie neuraxiale sans risque neurotoxique.

9. L’efficacité analgésique de la kétamine par voie péridurale reste encore à préciser, tant lorsque administrée seule qu’en association avec les morphiniques.

10. Le midazolam, exposant à un risque neurotoxique probable ne doit pas être utilisé.

L’ANESTHESIE PERIDURALE

L’anesthésie péridurale est maintenant largement reconnue comme étant la modalité d’analgésie la plus efficace au cours du travail [1].

De façon schématique, deux classes pharmacologiques sont utilisées dans la plupart des situations : les anesthésiques locaux et les opiacés qui lorsque administrés ensemble, produisent une analgésie synergique [2]. Lorsque la bupivacaïne est utilisée seule ou combinée avec un opioïde, elle permet d’obtenir une analgésie efficace et un grand degré de satisfaction chez la plupart des patients.

Cependant dans 7 à 20 % des cas [3], l’analgésie peut être insuffisante au cours du travail ou au cours de l’accouchement. Dans certains cas, l’administration de complément analgésique ou la modification de la position du cathéter péridural permet d’améliorer l’analgésie : 50 % des insuffisances analgésiques au cours du travail cependant ne sont pas correctement traitées par ces manoeuvres [3].

L’utilisation de l’analgésie rachidienne (qui est basée essentiellement aussi sur l’emploi d’opioïdes et d’anesthésiques locaux) permet une analgésie très puissante et quasi immédiate.

Cette technique d’analgésie a été récemment mise au point et est utilisée de plus en plus actuellement dans les maternités mais la durée d’action de l’analgésie induite par la rachianalgésie est trop courte pour couvrir la totalité de la durée du travail. Ainsi des analgésiques qui pourraient être utilisés par voie péridurale ou intra-rachidienne comme recours en cas d’échec ou en tant qu’élément de routine dans la combinaison analgésique seraient les bienvenus.

Cet article va présenter les produits nouveaux ou anciens (qui ont été récemment remis à l’ordre du jour) dans cette indication. Il est important de souligner que la plupart d’entre eux restent dans un état d’utilisation expérimentale et que leur utilisation clinique ne peut pas être considérée comme validée.

 

AGENTS a2 ADRENERGIQUES

Ces agents ont été utilisés avec un certain regain d’intérêt dés lorsqu’il a été reconnu que des récepteurs a2 adrénergiques peuvent être rencontrés dans la corne dorsale de la moelle épinière et que leur activation produit de l’analgésie.

Adrénaline

Par voie péridurale :

l’addition d’adrénaline à la bupivacaïne par voie péridurale a été proposée depuis longtemps comme composant dans l’analgésie du travail.

Les bénéfices attendus sont :

  • 1 – Amélioration de l’efficacité analgésique (intensité et/ou durée),
  • 2 – Réduction du pic plasmatique de la concentration de bupivacaïne,
  • 3 – Élément de détection efficace de l’injection accidentelle intraveineuse de l’anesthésique local.Ces deux derniers aspects sont devenus moins problématiques au cours des dernières années avec l’emploi de plus en plus fréquent de concentrations très faibles de bupivacaïne par voie péridurale combinée avec des agents opioïdes lipophiles extrêmement puissants (fentanyl, sufentanil).L’amélioration de l’efficacité analgésique de la bupivacaïne 0,25 % administrée par voie péridurale produite par l’adrénaline est modeste dans certaines études [4] voire insignifiante [5]. On peut même signaler que certaines études ont montré que l’adrénaline (5 mg/ml) peut prolonger le premier stade du travail [5].

L’adrénaline par voie péridurale peut également augmenter la fréquence et l’intensité du bloc moteur généré par la bupivacaïne [6].

Pour ces raisons, l’addition systématique d’adrénaline à l’anesthésique local par voie péridurale au cours du travail ne représente pas un attrait prometteur et n’est pas actuellement recommandée par la plupart des auteurs.

Par voie intrathécale :

L’adrénaline à une dose variant de 25 à 200 mg a été injectée par voie intrathécale combinée avec 5 – 10 mg de sufentanil et 1 à 2,5 mg de bupivacaïne avec des résultats controversés. L’addition de 200mg d’adrénaline avec du sufentanil a peu [7] ou pas [8] d’effet sur la durée de l’analgésie spinale. Le prurit est moins souvent observé [7, 8] alors que les nausées peuvent voir leur intensité et leur sévérité augmentées [8]. De plus des spasmes musculaires transitoires ont été rapportés par l’addition de 200 mg d’adrénaline au sufentanil [9].

Deux études récentes ont à nouveau stimulé l’intérêt pour l’adrénaline par voie intrathécale.

En effet, l’addition de 200 mg d’adrénaline à 10 mg de sufentanil ± 2,5 mg de bupivacaïne prolonge de façon significative la durée moyenne de l’analgésie intrathécale de 145 à 188 min. [10]. L’absence de puissance statistique suffisante de cette étude ne permet pas d’obtenir des conclusions quant aux risques d’augmentation du bloc moteur et de prolongation du travail. Il faut noter que 4 des 20 patients qui avaient reçu la combinaison triple sus-citée étaient incapables de se déplacer alors qu’aucune des 19 patientes qui avait reçu le sufentanil et la bupivacaïne (c’est à dire sans adrénaline) était capable de déambuler.

Gautier et coll [11] ont rapporté de façon similaire une prolongation de l’analgésie (de 104 à 142 min. en moyenne) après l’administration intrathécale de 5 mg de sufentanil combinée à 1 mg de bupivacaïne et 25 mg d’adrénaline. Cette dernière combinaison pourrait être plus intéressante compte tenu du risque plus faible d’effets indésirables. Actuellement notre combinaison intrathécale usuelle comporte du sufentanil (5 mg) et de la bupivacaïne isobare (2,5 mg). Nous n’ajoutons pas d’adrénaline de façon routinière à cette combinaison en raison du risque des effets indésirables potentiels ainsi qu’ils ont été décrits plus haut (au moins en ce qui concerne l’addition de 200 mg).

Cependant, une étude de dose croissante d’adrénaline additionnée à une combinaison de bupivacaïne et de sufentanil serait certainement utile pour clarifier ce problème.

Clonidine

Par voie péridurale :

Des études expérimentales humaines ont confirmé le site d’action spinal de la clonidine [12]. Après administration de 700 mg de clonidine par voie péridurale chez des volontaires, une analgésie significative a pu être démontrée dans les territoires inférieurs (membres inférieurs) alors qu’aucune analgésie significative (à des stimulations douloureuses par trempage dans l’eau froide) n’a été observée au niveau des mains. Cette analgésie segmentaire est un fort argument pour le site d’action médullaire de la clonidine par voie péridurale. La clonidine par voie péridurale a été également l’objet de plusieurs études en analgésie obstétricale.

O’Meara et Gin [13] ont évalué l’effet de l’addition de 120 mg de clonidine à une dose de 8 mg de bupivacaïne 0,25 % administrée à des parturientes en début de travail.

  • Un bénéfice significatif a été observé dans le groupe clonidine avec une durée d’action de l’analgésie était significativement prolongée (ainsi réduisant le nombre de bolus ultérieurs) et avec une analgésie globalement de meilleure qualité.
  • Une diminution de la fréquence cardiaque maternelle et une sédation significative ont été notées après administration de clonidine péridurale.

Dans une autre étude ayant utilisé 30 mg de clonidine par voie péridurale combinée avec une association triple d’adrénaline – bupivacaïne et sufentanil, la durée de l’analgésie était significativement plus courte dans le groupe clonidine [14]. La dose totale de bupivacaïne et les scores douloureux au moment de l’épisiotomie étaient cependant plus faibles dans le groupe ayant reçu de la clonidine.

Une troisième étude intéressante a consisté en l’administration par voie péridurale de 75 mg de clonidine combinée avec de la bupivacaïne [15]. La clonidine a permis d’augmenter la durée de l’analgésie de chaque réinjection et a produit une analgésie plus profonde (c’est ainsi que les scores douloureux étaient plus faibles). En première approximation, il apparaît qu‘une dose entre 75 et 120 mg est efficace alors qu’une dose de 30 mg n’est pas associée avec un effet analgésique significatif.

Brichant et coll [16] ont réalisé une étude dose-réponse et confirmé que la dose optimale de clonidine était de l’ordre de 75 mg. Ils ont en effet montré que cette dose était responsable d’une augmentation optimale de la durée d’analgésie sans augmentation des effets indésirables.

En effet à la dose de 150 mg les effets indésirables (c’est à dire la sédation) étaient rencontrés de façon plus fréquente et Cigarini et coll [15] ont pu mettre en évidence qu’une réinjection de 75 mg était associée à des anomalies du rythme cardiaque foetal et des scores de bien-être foetal. Ceci ne doit pas être considéré comme surprenant lorsque l’on sait que la demi-vie plasmatique de la clonidine est supérieure à 12 heures et qu’une concentration significative de clonidine plasmatique pourrait bien persister après que l’effet spinal soit épuisé.

Aucun effet délétère sur les modalités de l’accouchement et sur le tonus utérin n’a pu être observé au cours de ces études alors que des études expérimentales antérieures ont pu suggéré que la stimulation des récepteurs a2 adrénergiques contracte le muscle utérin humain à la fois sur des préparations in vitro de myomètre gravide ou non gravide [17].


Par voie intrathécale :

La clonidine produit une analgésie essentiellement par un mécanisme spinal lorsqu’elle est administrée par voie intrathécale : elle potentialise aussi les opioïdes injectés par voie intrathécale [18].

Il y a peu d’informations dans la littérature permettant de connaître l’efficacité de la clonidine par voie intrathécale au cours du travail.

L’addition de 100 à 200 mg de clonidine prolonge la durée d’action du sufentanil intrathécal au cours du travail d’une durée d’environ 40 min. [19, 20]. Quand ces doses de clonidine sont additionnées au sufentanil, l’incidence et l’intensité de l’hypotension sont significativement augmentées.

Quand des doses plus petites de clonidine sont utilisées (par exemple 15 à 30 mg), une prolongation d’environ 30 min. de l’effet analgésique est encore obtenue mais le risque d’hypotension artérielle reste controversé. En effet dans une étude préliminaire ouverte non randomisée conduite dans notre institution, nous n’avions pas trouvé d’augmentation de l’incidence de l’hypotension artérielle en additionnant 30 mg de clonidine à 5 mg de sufentanil par voie intrathécale [21].

De façon similaire, Gautier et coll [11] ont démontré que la diminution maximum de pression artérielle moyenne n’était pas significativement augmentée par l’addition de 15 ou 30 mg de clonidine à 5 mg de sufentanil. Cette étude était bien réalisée sur le plan méthodologique mais incluait seulement 10 à 15 patientes par groupe : en effet lorsque les résultats sont analysés de façon plus précise, il semble exister une relation dose-réponse qui cependant n’était pas significative dans l’étude.

Finalement dans une étude randomisée et en double aveugle réalisée également dans notre institution, une multiplication par cinq du risque d’hypotension artérielle a été retrouvée par l’addition de 30 mg de clonidine à une dose de 5 mg de sufentanil injecté par voie intrathécale [23] .De même, les besoins en éphédrine étaient significativement augmentés.

Cependant comme l’hypotension artérielle a été traitée de façon très efficace et rapide, aucun effet délétère (rythme cardiaque foetal, score d’Apgar et pH artériel-ombilical) n’a été enregistré [23].

Ainsi la clonidine apparaît comme une molécule prometteuse pour l’administration intrathécale au cours du travail à condition de vérifier qu’une stabilité hémodynamique satisfaisante peut être obtenue.

Néostigmine

La néostigmine est un médicament anticholinestérasique qui a une longue tradition d’utilisation en anesthésie.

En effet, elle est souvent utilisée par voie intraveineuse en fin d’intervention pour accélérer la décurarisation.

Plus récemment, l’intérêt pour cette molécule est réapparu en raison de la mise en évidence de son effet analgésique notamment lorsqu’elle est administrée par voie intrathécale [24]. Cette action est sous la dépendance d’une interaction avec les voies descendantes anti-nociceptives qui exercent un effet modulateur puissant sur les messages nociceptifs afférents périphériques.

Le neurotransmetteur principal de ces systèmes inhibiteurs endogènes est la noradrénaline. Une partie de l’action inhibitrice de la noradrénaline est médiée par l’acétylcholine qui est rapidement inactivée par une cholinestérase endogène. La néostigmine inhibe cette enzyme et amplifie donc l’action de l’acétylcholine libérée en prévenant sa dégradation au niveau de la synapse spinale [18, 25, 26].

Après des études ayant évalué l’absence de neurotoxicité dans plusieurs espèces, une étude de phase 1 a été entreprise chez les volontaires sains [27].

La néostigmine produit une analgésie dose-dépendante (avec des doses supérieures ou égales à 100mg) mais produit des effets indésirables avec une fréquence également dose-dépendante(essentiellement des nausées, des vomissements) qui peuvent être extrêmement sévères.

L’analgésie a une installation lente (30 à 60 min.) mais une durée d’action relativement longue (4 à 6 heures).

Les nausées sont significativement réduites quand la néostigmine (100 à 200 mg) est utilisée en solution hyperbare.

La première étude clinique a été réalisée chez des patients bénéficiant d’une vaginoplastie et a produit des résultats tout à fait enthousiasmants [28]. Une analgésie dose-dépendante a été obtenue dans cette étude avec des doses de 50, 100 et 200 mg : ces effets analgésiques étaient similaires à ceux obtenus pour des doses équivalentes de morphine. Cette efficacité prolongée et très puissante pourrait refléter l’activation prononcée du système anti-nociceptif spinal descendant au cours de la période post-opératoire comme cela avait été préalablement démontré chez la brebis [29]. Il est intéressant de constater que la combinaison de 50 mg de néostigmine et 50 mg de morphine produit une bonne analgésie pendant environ 24 heures sans effet indésirable notable.

Par la suite, dans une étude pilote de petite taille (N = 6 par groupe), Krukowski et coll [30] ont évalué les effets de doses croissantes de néostigmine hyperbare (10, 30 et 100 mg) associés à un anesthésique local au cours d’une rachianesthésie pour césarienne. Une fois encore des résultats prometteurs ont été obtenus : une diminution significative des besoins morphiniques post-opératoires (administrés par PCA) a été observée allant de 82 mg dans le groupe contrôle à 50 mg seulement dans les 3 groupes de patientes ayant reçu de la néostigmine. De plus, des nausées modérées sont survenues chez une seule patiente dans le groupe contrôle et dans le groupe de 10 mg de néostigmine alors que 3 et 4 patientes des groupes ayant reçu des doses supérieures de néostigmine (30 et 100 mg) ont nécessité des traitements pharmacologiques pour ces nausées.

Dans une étude plus large randomisée et en double aveugle réalisée récemment par les mêmes auteurs, une dose de 10 mg de néostigmine n’a pas été associée à une réduction significative des besoins de morphine post-opératoires [31]. De plus, une augmentation importante de l’incidence des nausées nécessitant un traitement a été observé en salle de réveil (38 % versus 3 % seulement dans le groupe contrôle). De ce fait, Les auteurs ont conclu que l’administration intrathécale de néostigmine ne représentait probablement pas un adjuvant intéressant après césarienne [31]. Ces résultats inattendus ont tempéré l’enthousiasme initial pour ce médicament.

Notre expérience clinique dans cette indication est tout à fait en accord avec ces conclusions et avec la fréquence importante des effets indésirables.

Il est cependant difficile d’expliquer pourquoi des différences importantes peuvent être trouvées dans plusieurs études réalisées par les mêmes équipes. Des petites différences de population de patients ou de conditions d’études peuvent avoir modifié la libération d’acétylcholine libérée au niveau spinal à travers laquelle s’inscrit l’action de la néostigmine.

Les variations dans le mécanisme de la douleur post-opératoire peuvent également être impliquées : en effet, il a été également préalablement démontré que la néostigmine est plus efficace sur la douleur somatique que sur la douleur viscérale [32].

L’utilisation de la néostigmine intrathécale au cours du travail est actuellement en cours d’investigation. Les doses de néostigmine de 5 ou 10 mg ne produisent pas d’analgésie au cours du travail et une dose de 20 mg a peu d’effet analgésique. Des nausées modérées ont été rapportées avec ces doses faibles alors que des doses de 20 mg sont associées à un risque important de nausées et de vomissements sévères [33]. L’utilisation de la néostigmine comme un adjuvant de l’analgésie spinale pourrait être plus intéressante puisqu’une dose de 10 mg de néostigmine réduit les besoins en sufentanil d’environ 25 % au cours du travail [34].

Dans toutes les études évaluant les résultats chez les femmes enceintes (soit au cours des césariennes soit au cours du travail), le rythme cardiaque foetal et les scores néonataux sont restés non modifiés par l’injection intrathécale de néostigmine (jusqu’à des doses de 100 mg). 

 

Antagonistes des récepteurs au N-Methyl-D-Aspartate

Le glutamate est le neurotransmetteur excitatoire majeur dans la plupart des systèmes nerveux autonomes des mammifères.

Il existe au moins 2 classes de récepteurs au glutamate dans le système nerveux central : les récepteurs au N-MÉTHYL-D-ASPARTATE (NMDA) et les récepteurs non-NMDA.

Le récepteur NMDA peut être inactivé selon un processus voltage dépendant par des concentrations physiologiques de magnésium et ce récepteur subit plusieurs formes d’inactivation (calcium dépendant ou calcium indépendant).

Les récepteurs au NMDA semblent jouer un rôle important dans différents processus physiologiques en augmentant la transmission du processus douloureux (« wind-up »). Parce que le wind-up et l’hyperalgésie secondaire est essentiellement un phénomène survenant au niveau de la moelle épinière, il apparaît logique d’administrer des antagonistes du NMDA au niveau spinal.

La kétamine est un antagoniste des récepteurs au NMDA et son injection produit une analgésie dans différents modèles. Comme cette molécule administrée par voie intrathécale ou voie péridurale ne produit pas de dépression respiratoire, de rétention urinaire ou de prurit son intérêt clinique pourrait être très important.

Des études histo-pathologiques réalisées sur des primates et sur des lapins [35, 36] ont toutes démontré quela kétamine elle-même ne possède pas d’effet neurotoxique alors que le chlorobutanol, un conservateur utilisé dans plusieurs pays (notamment en France) peut conduire à des effets neurotoxiques importants et donc ne doit pas être utilisé.

Dans certaines études [37], la kétamine par voie péridurale a été considéré comme étant une technique efficace et sûre pour l’analgésie post-opératoire.

Dans plusieurs autres études [38, 39, 40], cependant la kétamine par voie péridurale à des doses allant de 4 à 30 mg n’a pas permis d’obtenir une analgésie post-opératoire efficace après différents types de chirurgie.

Dans une étude préliminaire utilisant la kétamine péridurale à dose de 15 mg chez les femmes enceintes [41], nous avons trouvé un degré significatif d’analgésie qui était cependant de durée extrêmement courte inférieure ou égale à 45 min. La seconde injection de kétamine (10 mg) n’était en revanche pas associée à une analgésie significative. Aucun bloc moteur n’avait été enregistré et la pression artérielle ainsi que la fréquence cardiaque sont restées inchangées. Bien qu’aucun effet indésirable foetal et néonatal n’avait été observé des effets indésirables maternels étaient cliniquement importants. Une sédation, des vertiges, un nystagmus horizontal et une dysphorie étaient observés chez la plupart des patientes et leur incidence ainsi que leur évolution était clairement en rapport avec les concentrations plasmatiques de kétamine qui avaient été mesurées dans le même temps. Finalement, ces effets indésirables centraux étaient associés à un degré d’insatisfaction maternelle tout à fait important. La sévérité de ces effets indésirables était probablement reliée à la grande lipophilie de cette molécule, expliquant le passage systémique rapide et intense.

Bien que la kétamine ne soit probablement pas un agent analgésique efficace lorsqu’elle est administrée seule, plusieurs études récentes suggèrent qu’elle pourrait être intéressante lorsqu’elle est combinée à d’autres agents analgésiques. L’injection péridurale post-opératoire de kétamine produit en effet une action analgésique potentialisant celle de la bupivacaïne [42] alors que la kétamine intrathécale peut diminuer les besoins en morphine chez des patients ayant des douleurs cancéreuses [43].

Des études utilisant des très faibles doses de kétamine péridurale associées à des analgésiques traditionnels sont donc nécessaires. D’autres antagonistes des récepteurs NMDA sont actuellement en cours d’étude.L’amitriptyline intrathécale abolit l’hyperalgésie inflammatoire chez le rat [44] et il semble que l’injection intrathécale d’amitriptyline ne produit pas d’effet indésirable significatif sur la pression artérielle et sur le débit sanguin médullaire [45].

 

Midazolam

Les benzodiazépines ne sont pas habituellement considéré comme des analgésiques.

Quand ces agents sont administrés par des voies d’administration qui produisent des taux sanguins élevés, les effets analgésiques sont difficiles à séparer de ceux résultant de l’altération de la conscience.

Cependant Niv et coll [46] ont montré que l’injection intra-péritonéale de midazolam produit une hyperalgésie alors que l’injection intrathécale produit une analgésie efficace. Une action spinale directe du midazolam a ainsi été démontrée dans plusieurs études.

Goodchild and Serrao [47] par exemple ont ainsi montré que l’injection intrathécale de midazolam augmente le seuil de survenue de la douleur au niveau de la queue de l’animal mais pas au niveau du cou (suggérant un effet segmentaire) et cet effet peut être réversé par le flumazenil (un antagoniste spécifique des récepteurs au benzodiazépines) [48].

Plus récemment, des études se sont focalisées sur le mécanisme d’action anti-nociceptif par voie spinale produit par le midazolam. Une première étape est l’interaction entre midazolam et le complexe-récepteur benzodiazépine acide g-aminobutirique conduisant à une augmentation du flux de chlore à l’intérieur du neurone. Par un mécanisme encore imprécis, un effet anti-nociceptif est ainsi produit par inactivation secondaire des systèmes impliquant les récepteurs opioïdes d [49].

Il existe très peu d’études cliniques qui ont évalué l’effet du midazolam. Certaines d’entre-elles ont suggéré que le midazolam, surtout lorsqu’il est combiné avec un opiacé peut produire une analgésie efficace tant en post-opératoire [50, 51] qu’en cas de douleur chronique [52].

La seule étude disponible en anesthésie obstétricale a montré que l’injection intrathécale de 1 mg de midazolam injecté avec la bupivacaïne au cours de la césarienne réduit les besoins morphiniques post-opératoires de façon significative [53]. Comme la dose adéquate et l’absence d’effet neurotoxique sont encore sujets à controverse [54, 55], cet agent analgésique reste encore à un stade expérimental. 

 

Rémifentany

Le rémifentanil est un opioïde ultra-court agissant sur les récepteurs OP2 (anciennement m) qui n’est actuellement disponible que par voie intraveineuse : son solvant, le glycocolle est un agent neurotoxique puissant.

A la différence des autres des autres opiacés, la durée d’action du rémifentanil est extrêmement courte (quelques minutes seulement) [56].

De façon plus importante, cette durée d’action n’augmente pas avec l’augmentation des doses ni avec la durée d’administration en raison d’un métabolisme particulier qui prévient l’accumulation tissulaire (hydrolyse par des estérases non spécifiques dans le sang et dans les tissus). Ainsi le rémifentanil pourrait être un agent prometteur par voie intraveineuse au cours du travail lorsque les techniques neuraxiales sont contre-indiquées.

Le rémifentanil (0,1 g/kg/min.) produit ainsi une analgésie efficace chez des patients ASA 1 bénéficiant de chirurgie superficielle réalisée sous anesthésie locale [57]. Lorsque ces résultats sont comparés avec ceux des études antérieures utilisant d’autres opioïdes, le rémifentanil semble être associé avec moins d’effets respiratoires adverses et avec une moindre incidence de nausées et de vomissements [57].

Dans la seule étude disponible actuellement réalisée en obstétrique [58], le transfert transplacentaire et les effets sur le nouveau-né et sur la mère ont été évalués après une perfusion intraveineuse de rémifentanil comme complément de l’anesthésie péridurale pour césarienne. Les auteurs ont montré que le rémifentanil passe facilement le placenta mais continue à être métabolisé par le foetus. Cependant une dépression respiratoire modérée est survenue chez 2 patientes recevant le rémifentanil alors que ceci n’était pas observé avec le fentanyl ou dans le groupe placebo.

Bien que le profil pharmacodynamique du rémifentanil suggère qu’il pourrait avoir une place tout à fait intéressante parmi les opiacés au cours du travail quand une péridurale n’est pas possible, une information plus détaillée est nécessaire.

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