Il est aujourd’hui possible, sur une simple prise de sang maternel au cours de la grossesse, de détecter la présence d’ADN fœtal circulant dont l’analyse permet de faire le diagnostic non invasif de la trisomie (1).
L’efficacité de cette technique utilisée comme examen de seconde ligne en alternative avec la réalisation d’un caryotype sur une biopsie de trophoblaste ou une amniocentese est maintenant démontrée. Cette technique est effectivement une alternative fiable et sans danger à un prélèvement fœtal chez les patientes identifiées à risque par le dépistage des anomalies chromosomiques du premier trimestre (2).
Le New England Journal of Medicine vient de publier en ligne les résultats d’un large essai randomisé ayant évalué les performances de l’analyse de l’ADN fœtal circulant au premier trimestre de la grossesse pour le dépistage primaire de la trisomie 21 (3).
Ce type de dépistage a été comparé au dépistage conventionnel du premier trimestre basé sur l’utilisation combinée des marqueurs sériques maternels et de la mesure échographique de la clarté nucale.
Au total ce sont 18.955 femmes qui ont été incluses dans cet essai prospectif réalisé sur 35 centres nord américains. Toutes ces patientes ont bénéficié du dépistage conventionnel de la trisomie 21 réalisé entre 10 et 14 SA. Un prélèvement sanguin était également systématiquement réalisé dans le même temps pour permettre l’analyse de l’ADN fœtal circulant mais dont les résultats n’étaient pas communiqués.
Au final, cette prise en charge des patientes a permis la comparaison des deux méthodes de dépistage avec comme critère de jugement principal la capacité de chaque test à faire le diagnostic de trisomie 21 basé par la comparaison des aires sous la courbe ROC de chacune des deux méthodes de dépistage.
Pour faire simple, l’évaluation d’un test diagnostique se fait en réalisant une courbe appelée ROC dont l’aire sous la courbe est le reflet direct des performances diagnostiques du test. Plus cette aire s’approche de 1 et meilleur est le test (un test infaillible ayant une aire sous la courbe à 1) et plus la valeur est faible et moins le test est bon.
Le nombre de sujets nécessaires à cette étude a été calculé pour permettre la mise en évidence d’une aire sous la courbe de l’analyse de l’ADN fœtal circulant significativement plus importante que celle du dépistage conventionnel avec un nombre 32 cas de trisomie et de 1.500 témoins pour une puissance à 80% et un risque de première espèce à 0,05. Au total, ce sont 15.841 patientes qui ont pu être incluses avec un total de 38 cas de trisomie 21.
Les résultats de ce large essai montrent clairement la supériorité de la détection de l’ADN fœtal circulant sur le dépistage conventionnel pour le dépistage de la trisomie 21 avec des aires sous la courbe ROC mesurées à 0,999 et à 0,958, respectivement (p=0,001). Au total, les 38 cas de trisomie 21 ont tous été diagnostiqués par la détection d’ADN fœtal circulant contre 30 cas diagnostiqués sur 38 par le dépistage conventionnel.
En plus de ces extraordinaires performances, la détection de l’ADN fœtal circulant utilisé en dépistage expose à un risque de faux positif extrêmement faible, de seulement 0,06% contre 5,4% pour le dépistage conventionnel (p<0,001). Sa valeur prédictive positive est estimée à 80,9% pour une valeur prédictive négative de 100%.
Alors que retenir de cet article ? Tout d’abord, et c’est une évidence, le dépistage de la trisomie 21 va changer. Cette technique ne relève plus du futur mais du présent et représente aujourd’hui la méthode de dépistage la plus performante et la moins invasive à offrir à nos patientes. Alors certes, on peut se demander quel était l’intérêt de tester une méthode permettant de se passer d’une amniocentèse chez les femmes à risque ?
Certes les résultats étaient évidents et prévisibles et ne font que confirmer les résultats de l’étude de Nicolaides et al. sur ce même sujet (4). Mais cet essai était néanmoins indispensable. L’enjeu du dépistage est tel qu’on ne peut décider de mettre en place cette technique sans avoir réalisé au préalable ce genre d’étude à très haut niveau de preuve.
On pourra tout de même noter une limite à ce test, c’est le risque de matériel insuffisant sur le prélèvement sanguin le rendant inexploitable Dans cette étude, cette situation a été observée dans 2,6% des cas. Mais cette situation peut être simplement résolue en réalisant un nouveau prélèvement sanguin maternel.
Reste à savoir quels seront les couts de la mise en œuvre d’un tel dépistage. Il est cependant très probable que sa généralisation permettra de réduire son cout et de le rendre utilisable à toutes nos patientes.
Alors que retenir de cet article ? Oui le dépistage de la trisomie 21 va changer et va reposer sur la détection d’ADN fœtal circulant sur une simple prise de sang maternel. Ce test est extraordinairement efficace et permettra de limiter l’angoisse des femmes en limitant le risque de faux positif.
Pour en savoir plus :
(1) Lo YM, Corbetta N, Chamberlain PF, Rai V, Sargent IL, Redman CW, Wainscoat JS. Presence of fetal DNA in maternal plasma and serum. Lancet 1997;109: 485-7.
► Retrouvez l’abstract en ligne
(2) Ehrich et al. Noninvasive detection of fetal trisomy 21 by sequencing of DNA in maternal blood: a study in a clinical setting. Am J Obstet Gynecol 2011; 204(3): 205.e1-205.e11.
► Retrouvez l’abstract en ligne
(3) Norton et al. Cell-free DNA analysis for noninvasive examination of trisomy. New Engl J Med. 2015 ; 372(17):1589-97.
► Retrouvez l’abstract en ligne
(4) Nicolaides KH, Syngelaki A, Ashoor G, Birdir C, Touzet G. Noninvasive prenatal testing for fetal trisomies in a routinely screened first-trimester population. Am J Obstet Gynecol 2012; 207(5): 374.e1-374.e6.
► Retrouvez l’abstract en ligne